E-cigarette : actualisation de la revue Cochrane sur efficacité et sécurité

Medscape - Vincent Bargoin - 23 septembre 2016

Oxford, Royaume-Uni – Faute de nouveaux essais randomisés, la revue Cochrane fait un petit pas en avant. Dans une réactualisation d’une première revue publiée en 2014, le Tobacco Addiction Group britannique maintient ses principales conclusions. Les cigarettes électroniques (ou E-cigarettes) peuvent aider les fumeurs à arrêter de fumer, mais le niveau de preuve est faible. Par ailleurs, si aucun effet secondaire grave n’a été identifié à deux ans, l’innocuité à long terme reste inconnue [1].


Rappel du contexte

Cette publication va certainement conforter la position britannique, franchement favorable à la E-cigarette depuis la publication en 2015 d’un rapport de Public Health England mettant en avant la toxicité très réduite de la E-cigarette par rapport au tabac, et regrettant le faible niveau de conscience de ce bénéfice dans la population.

Aspect beaucoup plus contestable, ce rapport pointait aussi l’absence de preuve quant au risque de porte d’entrée vers le tabac que l’on prête à la E-cigarette.

Ironie de l’histoire, le jour même où ce rapport était publié, une étude américaine du NIH , menée chez des adolescents californiens de 14 ans, montrait que chez des sujets n’ayant jamais fumé de tabac combustible, l’utilisation de la E-cigarette au début de l’étude est associée à un taux d’initiation plus important au tabac combustible à 6 et à 12 mois.

Le risque de voir la E-cigarette favoriser le tabagisme ne peut donc être exclu aussi facilement que le supposent les britanniques. Il reste que le sevrage, lui, semble bel et bien facilité par la E-cigarette.

Ces données expliquent la position intermédiaire prise par le Haut Comité de Santé Publique en février dernier. Dans une réactualisation d’un avis de 2014, le HCSP reconnait en effet que la E-cigarette « peut être considérée comme une aide pour arrêter ou réduire la consommation de tabac des fumeurs », mais recommande le maintien de l’interdiction dans les lieux publics.

Cette position est aussi celle adoptée par la HAS en France,la FDA aux Etats-Unis, et enfin l’OMS.

Faute d’étude scientifique, rien de nouveau sur l’efficacité

La précédente revue Cochrane sur la E-cigarette incluait 13 études, dont deux essais randomisés et contrôlés. La réactualisation intègre les 11 nouvelles études publiées jusqu’en janvier 2016.

Sur le plan de l’efficacité de la revue Cochrane base ses évaluations d’efficacité sur les résultats d’études randomisées et contrôlées. Deux études de ce type étaient publiées en 2014, et ont été prises en compte dans la première revue. Il n’en a pas été publié de nouvelle dans l’intervalle.

Rappelons que ces deux essais randomisés et contrôlés, avec un suivi d’au moins 6 mois, ont été menés en Italie et en Nouvelle-Zélande. Ils comparaient les E-cigarettes avec et sans nicotine, chez des sujets souhaitant arrêter de fumer dans un cas, et ne le souhaitant pas, dans l’autre.

Sur un total de 662 sujets, « les résultats combinés montrent que l’utilisation d’une cigarette électronique contenant de la nicotine augmente les chances d’arrêter de fumer à long terme par rapport à l’utilisation d’une cigarette électronique sans nicotine », écrivent les auteurs de la Cochrane.

La E-cigarette a également été comparée aux patchs nicotiniques. Aucune différence d’efficacité n’est apparue entre patchs et E-cigarette à la nicotine. La Cochrane souligne toutefois n’avoir pu « déterminer si la cigarette électronique était plus efficace qu'un patch nicotinique pour aider les gens à arrêter de fumer, en raison du faible nombre de participants dans l'étude. Des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer cet effet ».

Ces conclusions étaient déjà celles de la revue de 2014.

Davantage de données de sécurité

S’agissant maintenant des données de sécurité, 11 nouvelles études non contrôlées sont venues s’ajouter aux 11 études non contrôlées prise en compte dans la première revue.

Il faudra des dizaines d’années, avant de pouvoir évaluer la sécurité à long terme.

Ces 22 études « ne peuvent pas nous en apprendre beaucoup sur la manière dont les cigarettes électroniques peuvent aider à arrêter de fumer, mais elles peuvent nous en apprendre plus sur leur innocuité à court terme », estiment les auteurs.

En l’occurrence, les données sont plutôt rassurantes, puisque les 11 nouvelles études ne montrent pas plus d’effets secondaires sévères que les 11 études précédentes chez les fumeurs ayant utilisé la E-cigarette par rapport à ceux ne l’ayant pas utilisée – ceci avec un recul allant jusqu’à deux ans. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont des irritations de la bouche et de la gorge.

« L'innocuité à long terme des cigarettes électroniques [reste] inconnue », rappellent toutefois les auteurs.

15 essais randomisés en cours

Avec le recul, les données de sécurité vont s’étoffer, mais il faudra de toute façon du temps, en fait des dizaines d’années, avant de pouvoir évaluer la sécurité à long terme. Pour justifier l’usage en contexte de sevrage, il faudrait donc pouvoir disposer de données d’efficacité plus solides qu’aujourd’hui.

Les auteurs ont identifiés pas moins de 15 essais contrôlés et randomisés en cours, qui semblent éligibles pour cette revue.

La revue Cochrane estime que le niveau de preuve actuel est « faible » – moins d’ailleurs du fait du niveau des études elles-mêmes, qui ont été « correctement réalisées », que du trop petit nombre d’études, des faibles taux d’évènements et des intervalles de confiance larges.

Les choses vont probablement rapidement évoluer puisque les auteurs ont identifiés pas moins de 15 essais contrôlés et randomisés en cours, qui semblent éligibles pour cette revue.



REFERENCE :
Hartmann-Boyce J,McRobbie H, Bullen C, et coll. Electronic cigarettes for smoking cessation . Base de données Cochrane de revues systématiques 2016, numéro 9. Référence : CD010216 DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub3.


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