Baclofène : pas de miracle mais une efficacité démontrée

Medscape France - 5 septembre 2016

Aude Lecrubier : Berlin, Allemagne — Les premiers résultats des quatre études cliniques européennes sur le baclofène ont été présentés au congrès de l’ISBRA-ESBRA à Berlin ce week-end. Globalement, les résultats sur la réduction de la consommation d’alcool et/ou le maintien de l’abstinence sont positifs[1].

« Ce que l’on peut dire de ces résultats, c’est que le baclofène n’est pas le médicament miracle mais qu’il trouvera sa place pour un profil précis de patients », a commenté pour Medscape Edition française le Pr Amine Benyamina (Département de psychiatrie et d’addictologie, responsable du centre d’addictologie, hôpital Paul Brousse, Villejuif) qui a participé à l’étude Alpadir.


Premiers résultats des études française Bacloville et Alpadir

 

Si l’étude hollandaise affiche des résultats négatifs probablement en raison de trop faibles doses et d’une durée de traitement trop courte, pour les trois autres, la supériorité du baclofène contre placebo est significative.
L’étude française Bacloville était « la plus attendue par la communauté scientifique car la plus rigoureuse, représentative de la réalité et la seule d’une durée d’un an », note l’association Baclofène. 
"Le baclofène n’est pas le médicament miracle mais il trouvera sa place pour un profil précis de patients" - Pr Amine Benyamina
Pour rappel, l’étude nationale randomisée en double aveugle a inclus 60 médecins généralistes et 320 patients qui pouvaient recevoir jusqu’à de 300 mg de baclofène par jour (forte dose).

L’objectif d’indifférence à l’alcool et ce, sans obligation de sevrage préalable a été atteint chez 56,8% des patients prenant du baclofène vs 36,5% dans le groupe placebo (P = 0,004).

Concernant la deuxième étude française, Alpadir, menée auprès de 320 patients, dont 158 sous baclofène (dose maximale 180g/j) et 162 sous placebo, aucune différence significative n’a été observée sur le maintien d’une abstinence totale (critère primaire d’évaluation). En revanche, une baisse de consommation plus forte a été observée pour les personnes qui avaient une consommation importante (des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 5 avec le placebo). Les effets secondaires observés dans cette population de patients sélectionnés (pas de comorbidités psychiatriques importantes, pas de traitements psychotropes, pas de cirrhose) étaient ceux habituellement observés (insomnies, fatigue, somnolence, nausées…).
"Aucun autre accident particulier n’a été rapporté", précise le Pr Benyamina.
Enfin, dans le petit essai contrôlé randomisé allemand BACLAD , dont les résultats avaient déjà été publiés en 2015 dans European Neuropsychopharmacology, 68,2% des patients (15/22) sous baclofène sont restés abstinents pendant la phase à haute dose de 12 semaines contre 23,8% (5/21) dans le groupe placebo (p= 0,014), soit 30% de plus. Chez ces patients qui n’avaient pas de pathologies psychiatriques et qui ne prenaient pas de psychotropes, les effets indésirables ont été limités.
Avec l’ensemble de ces résultats le laboratoire Ethypharm espère obtenir une autorisation de mise sur le marché en 2017, selon l’association Baclofène.

En attente de nouvelles données sur les effets indésirables

 

Concernant la commercialisation du baclofène, le Pr Benyamina souligne que « la question de l’AMM devra prendre en compte les données de tolérance de l’étude Bacloville. »

Ces données, non encore publiées, sont très attendues car elles correspondent à des patients moins sélectionnés que dans les autres études et donc plus représentatifs de la population générale. En outre, ils peuvent avoir reçu des fortes doses de baclofène.
"La question de l’AMM devra prendre en compte les données de tolérance de l’étude Bacloville" - Pr Benyamina


Ce que l’on sait des effets indésirables aujourd’hui

 

Lors d’un rapport publié en décembre 2015, l’ANSMavait indiqué que les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sous baclofène étaient « les troubles neurologiques et psychiatriques et dans une moindre mesure, des effets gastro-intestinaux et des troubles musculo-squelettiques » [2].

L’agence avait également souligné que « conformément aux données des rapports précédents », certains effets indésirables non listés dans le RCP ou dans le protocole de la RTU, semblaient se confirmer : « le somnambulisme, les troubles du caractère (agressivité, irritabilité, nervosité), les troubles de la libido, les troubles urinaires (énurésie, impériosité mictionnelle), l’embolie pulmonaire (seule la thrombose veineuse figure au RCP) et la faiblesse musculaire ».

Enfin, durant la période de ce rapport (2014-2015), 3 suicides et 30 tentatives de suicide avaient été rapportés (31 cas de prise excessive médicamenteuse dont 14 de surdosage en baclofène seul). Dans 48,5% des cas, il existait des antécédents de tentative(s) de suicide.

Un nouveau rapport de pharmacovigilance de l’ANSM est attendu cet automne.

Le Pr Amine Benyamina a participé à l’étude Alpadir.
 
REFERENCES:
1. Association baclofène. Onze ans après la découverte du Pr Olivier Ameisen, l’efficacité du baclofène enfin démontrée de façon incontestable. Congrès ISBRA-ESBRA. Berlin 3 septembre 2016.
2. ANSM. Réunion du Comité technique de Pharmacovigilance – CT012015113 Séance du mardi 15 Décembre 2015. Suivi national de pharmacovigilance du baclofène (LIORESAL®, BACLOFENEZENTIVA®) dans son utilisation hors AMM :

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