Intoxication par la cocaïne: ce qu’il faut faire et ne pas faire

Medscape France - 1er  juillet 2016

Paris, France — Un patient jeune présentant une douleur thoracique doit être systématiquement interrogé sur une éventuelle consommation de cocaïne, en vue d’un éventuel traitement par benzodiazépine, a indiqué le Pr Frédéric Lapostolle (Samu 93, Hôpital Avicenne, AP-HP), au cours d'une présentation au congrès Urgences 2016.
Ces dernières années, la consommation de cocaïne s'est nettement accrue, en raison de la disponibilité croissante de ce produit et d'un prix à la baisse. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) , « la part des 18-64 ans ayant expérimenté de la cocaïne a été multiplié par sept en deux décennies, passant de 0,8% en 1992, à 5,6% en 2014 ».


30% seulement de cocaïne pure

« Cette hausse de la consommation de la cocaïne s'est accompagnée d'une baisse de la qualité du produit. Les échantillons analysés se révèlent désormais composés à 30% de cocaïne », le reste étant des adultérants (ou additifs), c'est-à-dire des produits de coupage, a indiqué le Pr Lapostolle.
En 2011, les principaux adultérants actifs retrouvés dans la cocaïne étaient le lévamisole, un anti-parisitaire aux effets psychotropes, dont la présence est de plus en plus fréquente (71% des lots saisis), la phénacétine, un antalgique désormais interdits en raison de ses effets néphrotoxiques (39%) et la caféine (37%), rapporte l'OFDT.

« Ni le patient toxicomane, ni le médecin qui le prend en charge ne sait précisément ce qui a été consommé ». Sans compter que la tendance est à la multiplication des mélanges de substances psychotropes, « avec une imagination sans limites », commente l'urgentiste.
Dans ses recommandations, la Haute autorité de santé (HAS) indique que « le traitement de l'intoxication aiguë par la cocaïne consiste principalement à agir sur les symptômes engendrés par la consommation, tels que l'hyperexcitation physique et psychique, l'anxiété ou les hallucinations. Il n’existe, à ce jour, aucun antidote spécifique du surdosage (overdose) en cocaïne ».
Pas de prise en charge spécifique
« Il n'y a pas de prise en charge spécifique de l'intoxication aiguë par la cocaïne », ajoute le Pr Lapostolle. « Mais, il est nécessaire d'identifier les consommateurs », afin de prendre notamment en compte les incertitudes liées à la nature du produit consommé.
« L'intoxication à la cocaïne est avant tout psychiatrique. La consommation de ce produit est une cause majeure, souvent sous-estimée, d'agitation, de psychose et de troubles de l’humeur ». Selon l'urgentiste, « tout patient jeune, agité et sans antécédent psychiatrique, doit être considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme consommateur de toxiques illicites ».
Les symptômes de nature neurologique sont également fréquents. « Dans les services des urgences des pays anglo-saxons, la consommation de cocaïne est la première cause de convulsion et d'accident vasculaire cérébral chez les jeunes patients », a précisé le Pr Lapostolle.

Les convulsions doses-dépendantes
« Les convulsions concernent environ 3% des consommateurs de cocaïne, ce qui est loin d'être négligeable. Dans ce cas, les convulsions ont la particularité d'être doses-dépendantes, alors que la plupart des autres symptômes ne sont pas liés à la quantité de cocaïne absorbée. »

« Sur le plan de cardio-vasculaire, on retrouve de la tachycardie, de l'hypertension et des troubles du rythme ». La cocaïne étant un puissant vasoconstricteur, sa consommation augmente le risque d'infarctus du myocarde, « en agissant parfois sur des artères coronaires saines, voire même sans facteurs de risque cardiovasculaire ».
Par conséquent, le Pr Lapostolle recommande « d'interroger systématiquement les sujets jeunes développant un infarctus du myocarde sur leur consommation de produits illicites ». L'objectif est, notamment, de leur faire bénéficier d'un traitement par benzodiazépine.
« L'un des points essentiels de la prise en charge de l'intoxication aiguë par la cocaïne est la place primordiale des benzodiazépines dans le traitement de la douleur thoracique, liée à la consommation de cocaïne », a expliqué l'urgentiste. C'est d'ailleurs la seule spécificité pour ce type d’intoxication.
Les bétabloquants contre-indiqués avec la cocaïne
Selon lui, « il n’y a pas d’autre exemple de recommandations pour l’utilisation de benzodiazépines dans le traitement de douleur thoracique ».
Les patients présentant ce symptôme après absorption de cocaïne peuvent ainsi « bénéficier de l’effet sédatif, myorelaxant, anxiolytique, voire anticonvulsivant des benzodiazépines ». Ceux-ci sont à administrer en première intention, avec un antiagrégant plaquettaire.

Par ailleurs, pour diminuer la pression artérielle, il est recommandé de recourir aux dérivés nitrés, a rappelé l'urgentiste. Si les bêtabloquants ont été, jusque dans les années 1980, le traitement de référence dans la prise en charge des consommateurs de cocaïne, ils ont été depuis bannis, en raison d'un risque accru de mortalité.
« En révélant les effets délétères des bêtabloquants dans cette indication, en lien notamment avec l'augmentation des résistances coronaires vasculaires, des études ont mis fin à leur utilisation.»
En cas d'apparition d'un syndrome coronaire, la prise en charge est, là encore, non spécifique, « comme pour toutes les autres complications, qu'elles soient psychiatriques, neurologiques ou cardio-vasculaires », a ajouté le Pr Lapostolle.

REFERENCE:
1. Lapostolle F, Le speed, le fêtard et la mule: cocaïne, 2 juin 2016, congrès Urgences 2016, Paris.

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